Top à Ju' : Mange-moi si tu peux

Depuis deux-trois ans environ, un nouveau type de jeux a fait son apparition sur les étals que l'on a commencé à regrouper sous la dénomination de jeux "minimalistes" (terme que l'on doit à Bruno Faidutti ?). De quoi s'agit-il ? Tout simplement de jeux au matériel particulièrement limité : une vingtaine de cartes et quelques jetons tout au plus.

Mange moi si tu peux est donc le tout dernier arrivé dans cette catégorie et comme vous vous en doutez : il m'a enthousiasmé.

Pourtant, pas facile aujourd'hui de faire son trou dans ce courant de création qui a trouvé ses stars : Love Letter, Complots, Braverats/R et autre Mascarade cartonnent sur nos étals depuis plus d'un an. Avant cela, un auteur comme Bruno Cathala avait lui même exploré cette idée de minimalisme avec des jeux comme Button Up ou Blue Lion. Mais ce furent sans conteste les auteurs japonais qui lui donnèrent ses lettres de noblesses et le mirent à la mode.

C'est donc tout naturellement que lors du salon d'Essen 2013, les éditeurs des 4 coins du monde se sont tournés avec encore plus d'intérêt sur la production japonaise. Et nous sommes ravis de voir que Purple Brain (à qui l'on doit le Owl Star Games enfant que nous avons décerné il y a quelques mois : Les 3 petits cochons) a réussi à obtenir les droits de cette petite pépite qu'était Eat me if you can. On attend plus que le super Kobayakawa à venir chez Superlude et on sera aux anges !

Mais revenons à nos cochons. Mange-moi si tu peux est un petit jeu de bluff qui se joue de 3 à 6 joueurs en une quinzaine de minutes. Le but du jeu est d'obtenir 10 points de victoire. Pour cela, chaque joueur reçoit en début de partie un "rôle" : un joueur sera le loup, les autres se partageront ceux du petit chaperon rouge et des trois petits cochons.
Chaque joueur aura donc devant lui une petite maison le représentant. Le petit chaperon rouge qui vaut 3 points, les chevreaux 2 points, et chacun des 3 petits cochons 1 point.
Derrière chaque maison, à l'abri du regard du loup, se trouve une petite molette indiquant votre intention que vous choisirez une fois votre personnage attribué : tendre un piège au loup ou dormir paisiblement. Dès que chaque joueur a pris sa décision le loup va indiquer qui il souhaite manger !

Deux possibilités :

- soit le joueur dormait et le loup lui pique autant de points que la valeur de son personnage (3 pour le chaperon, 1 pour les petits cochons)

- soit le joueur tendait un piège au loup et c'est lui qui pique les points au loup.

Puis, on regarde ce que faisaient les autres joueurs. Là aussi deux options :

- soit ils ont pris le risque de dormir paisiblement et récupèrent de la banque autant de points que leur valeur,

- soit ils tendaient un piège au loup et il ne se passe rien. Ils auront juste quelques heures de sommeil à rattraper.

Le joueur ayant perdu des points ce tour-ci récupère ensuite les personnages et les redistribue à sa convenance.

C'est tout. Mais c'est diablement efficace !

En effet, le loup a tout intérêt à aller vers le personnage lui rapportant le plus de points. Sauf que, sachant cela, le joueur incarnant ce personnage a tout intérêt à tendre un piège au loup systématiquement. Mais comme le loup n'est pas bête ("bah si c'est une bête", "oui mais non... je veux dire idiot quoi"), il risque d'aller voir un autre adversaire qui lui ne se méfiera pas. Sauf si à a son tour ce joueur parvient à lire dans l'esprit du loup… je pense que tu penses que je pense…
C'est l'illustration parfaite de ce que l'on appelle le "double guessing" ou le nettement moins classe "double devinette" dans la belle langue de Molière.

Ce jeu est donc une franche réussite. Le matériel est très joli et plonge véritablement dans l'ambiance… mais c'est aussi un petit peu son défaut. Je m'explique.

Si la version originale avait des graphismes très atypiques et pas forcément vendeurs pour le marché occidental, ils avaient le mérite de ne pas inscrire le jeu dans un univers trop enfantin. Cette version, aussi belle soit elle, risque peut-être de freiner quelques achats chez les plus grands alors que le jeu passe à merveille entre adultes. A l'image d'un Stupide Vautour de môssieur Alex Randolph (un des papas du jeu contemporain), il faudra donc passer outre l'aspect visuel et nous croire lorsque l'on vous dira tout le bien que l'on pense de ce jeu. Néanmoins, on ne pourra pas en vouloir à Purple Brain d'inscrire ce jeu dans la continuité de ce qu'ils ont déjà réalisé avec leur excellente gamme des jeux sur le thème des contes (3 petits cochons, Baba Yaga, le Lièvre et la Tortue).

En résumé, ce jeu est une petite pépite à côté de laquelle il ne faudra surtout pas passer ! Parfait simplement entre adultes ou avec des enfants, ce Mange-moi si tu peux est une petite sucrerie très agréable à déguster sans modération. Un grand merci à Purple Brain et Iello de le rendre disponible sur le marché français !

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